Dans le cadre de la restructuration du palais des sports Pierre de Coubertin à Montpellier, MAS Réemploi (MRBC) a été retenu par la ville de Montpellier pour assurer la mission de dépose puis de collecte de 800m2 de plancher en chêne.
La Direction des Sports est Maître d’Ouvrage de ce projet et le Service Conduite d’Opération de la Ville de Montpellier en assurent l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
En amont des travaux de transformation du bâtiment, la Ville de Montpellier souhaite réaliser des travaux de réemploi. La demande de dépose préservante du plancher sportif comprend plusieurs actions:
une dépose soignée de l’ensemble du plancher sportif (y compris les lambourdes) ;
un nettoyage grossier de la surface sous jacente des lames, le dé-cloutage et la rénovation des lames (ponçage et/ou rabotage selon nécessité) ;
un conditionnement sur palettes en vue d’un stockage (dans les locaux de la Ville) pour une utilisation ultérieure par la Ville. La livraison des lames dans le lieu de stockage est comprise dans le présent marché.
Un objectif de 20% de perte est visé lors de l’opération prenant en compte les risques de casse des lames de plancher lors de la dépose. Cet objectif ne constitue pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen à mettre en place pour l’atteindre. En effet, il n’est pas possible de présumer le résultat en amont de la dépose et d’anticiper toutes les sources de pertes ou de dégradation des matériaux déposés.
Le chantier de dépose préservante a débuté le 5 septembre et a duré deux semaines, il a été réalisé par les membres de l’équipe de MRBC et des bénévoles de l’association.
Contexte
Le palais des sports Pierre de Coubertin se situe dans le quartier des hauts de Massane, il a été construit en 1990. Ses tribunes sont prévues pour accueillir 4003 spectateurs, il a abrité les rencontres du club disparu Montpellier Paillade Basket jusqu’en 2002 puis de Montpellier Volley Université Club jusqu’en 2015.
Le plancher sportif de 800m2 se distingue par sa qualité et quelques particularités de pose. Il ne diffère toutefois pas beaucoup d’un plancher traditionnel : bois massif d'épaisseur d'environ 23 mm, assemblage rainure et languette, pose clouée sur lambourdes et dans le cas présent pas de nœud ou d’aubier. Pour un usage sportif les lambourdes peuvent être sur un intermédiaire en caoutchouc ce qui permet d’améliorer l’amortissement et la résistance. Des lames étroites et courtes sont favorisées afin d'éviter les déformations et le choix d’une qualité supérieure évite le délitement et les échardes. Il est souvent recouvert de vernis ou de peintures spéciales, délimitant les espaces de jeu et est susceptible de présenter des marques profondes dues à l’usure et à la répétition des efforts. Dans notre cas particulier, le plancher de Coubertin a été posé sur des lambourdes placées tous les 20cm et agrafées (agrafes de diamètre 1 mm par 40 mm) ce qui diffère des planchers traditionnels où les lambourdes sont généralement espacées de 40cm et clouées (clou tête homme 3 mm par 50 mm). Un isolant coton a été utilisé pour amortir le bruit plutôt que du caoutchouc.
Lors de démolition ou de rénovation, les pratiques mises en œuvre jusqu’ici favorisent la “valorisation” du bois, qui devient la norme en matière de traitement du bois en “fin d’usage”. Dans notre cas la méthode serait la suivante : arrachage avec une mini-pelle puis compactage dans une benne et au mieux broyage pour la production d’OSB.
Les réglementations européennes et nationales placent pourtant la prévention des déchets au sommet des priorités des politiques de gestion des déchets. A ce titre, les actions de réemploi sont à privilégier, elles permettent en effet de prolonger la durée d’usage des produits jouant ainsi un rôle essentiel dans les politiques de prévention des déchets.
Montpellier Méditerranée Métropole s’inscrit pleinement dans cette démarche visant à la fois à limiter les déchets, mais aussi à favoriser les projets permettant d’éviter le gaspillage des matériaux par leur réemploi (délibération Zéro Déchets n°M2020-194).
Méthode de Dépose
La première étape consiste à sacrifier une ou deux des premières lignes de lame située à l'extrémité, avec la languette vers l’extérieur. Cette étape n’a pas vocation à sauvegarder les lames, donc l’utilisation d’une scie circulaire peut être idéale pour gagner du temps.
L’idée est de dégager assez de lame pour avoir l’espace d'insérer un pied de biche sans être gêné par le bord ou par un mur, le tout en laissant les lambourdes dépasser de 10 à 15 cm environ.
Il est nécessaire de toujours travailler de manière perpendiculaire au sens du parquet. En insérant un pied de biche sous les lames entre deux lambourdes, l’ensemble devrait se soulever sous la pression du pied de biche. La méthode consiste à rabattre au sol les lambourdes soulevées avec un marteau, une fois la lame désolidarisée des lambourdes, elle s’enlève facilement, les agrafes n’ayant plus prise dans les lambourdes. Une fois ces derniers rabattus, il est possible d'insérer le pied de biche plus loin sous les lames pour les soulever d’avantage et ainsi réitérer le rabattement des lambourdes pour libérer davantage de lames.
Il est important de bien gérer le levier du pied de biche pour ne pas briser la lame de plancher sous la pression. Enfin, une fois les agrafes libérées, le retrait des lames doit se faire horizontalement afin de ne pas endommager les languettes.
Outils : Scie circulaire, pied-de-biche (ou superbar), marteau, burin plat ( pour retirer les lames difficiles)
EPI : Lunettes, masques anti-poussière, bouchon et/ou masque anti-bruit, gants cuir, genouillères, chaussures de sécurité.
Pour aller plus loin
Retrait des autocollants:
Si le parquet présente de larges stickers sponsors, il est préférable de les décoller au préalable à l'aide d'un riflard ou d’une spatule.
Élimination du vernis:
Pour éliminer la couche de vernis sur la surface du parquet, il est nettement plus facile de poncer avant la dépose. Pour cela, il faut se munir d'une ponceuse à parquet grande surface. Le ponçage peut débuter en commençant par installer une bande abrasive 40 ou 60 (en fonction de la dureté de votre bois), toujours dans le sens du bois, chaque passage devant empiéter un peu sur le précédent afin d’avoir un résultat propre.
Une fois la première passe effectuée, une deuxième peut être réalisée pour une meilleure finition, avec un papier abrasif 80 ou 120 (toujours en fonction de la dureté de votre bois)
Execution
Dans cette partie, les différentes étapes du chantier, les temporalités et les personnes mobilisées sont détaillées. Les difficultés rencontrées ainsi que les solutions mises en place sont également explicitées.
A l’arrivée de l’équipe sur le chantier, les premiers jours ont été réservés au nettoyage et au ponçage de la zone de parquet.
Il a fallu tout d’abord décoller tous les stickers sponsors trop épais pour être poncé. Certains se sont retirés facilement, pour d’autres la tâche était plus ardue, ces derniers se délitant en de nombreux petits morceaux. Les fragments de stickers ne pouvant être décollés ont été laissés puis poncés.
Dans un deuxième temps, la couche de vernis à été retirée avec des ponceuses à parquet (location de 2-3 machines). Deux d'entre elles ont effectué le premier passage avec un papier grain 40 et une autre est repassée derrière pour effectuer les finitions avec un papier de 80.
Un modèle plus puissant était initialement prévu mais un manque de puissance dû au réseau électrique nous a empêché de l’utiliser. Un panneau électrique de chantier doit systématiquement être réclamé.
Cette phase de nettoyage et de ponçage a duré 7 jours, mobilisant 2 à 3 personnes. Au total 27 sacs de sciure de bois ont été remplis équivalant à 192 kg de matière.
En parallèle du ponçage, la dépose du parquet a pu débuter sur les zones poncées. Les lames ont été retirées selon la méthode développée dans la partie précédente. Le processus de dépose s’est peaufiné tout au long des deux semaines de chantier. Elle a duré pendant les 14 jours de chantier, mobilisant 3 à 4 personnes.
Au cours du retrait des lames, celles-ci s'accumulant sur le sol, une phase de rangement est nécessaire, chaque jour, les lames déposées sont récupérées et rangées en tas trié. Cette étape permet de gagner du temps sur le conditionnement et de dégager de l’espace de circulation. Le rangement à mobilisé 1 à 2 personnes de manière plus ou moins continue pendant la dépose.
Par la suite, des postes de conditionnement sont installés à proximité des tas. Les agrafes sont disquées pour ne pas gêner lors du réemploi. Les lames sont brossées et rangées par taille, elles sont ensuite conditionnées sur des palettes, en optimisant au maximum l’espace disponible par les dimensions de la palette. Une fois que la palette atteint plus d’1m de hauteur, le tout est sanglé. Cette opération à mobilisé 2 à 3 personnes pendant la dépose.
Faute de temps, toutes les lames n’ont pu être conditionnées en palette. Une solution alternative de conditionnement a été trouvée. Les lames ont été rangées dans des big bag pour gagner du temps et dans l’idée de les conditionner sur palettes en atelier après le transport. Les big bags ont été placés sur palette pour faciliter le transport.
Les palettes sont sorties du chantier le jour où le transporteur est arrivé, lors des derniers jours de l’opération. Le chauffeur s’est occupé du chargement et du transport jusqu’à la plateforme. Les big bags ont pu être gerbés sur les palettes conditionnées, ce qui a permis d’économiser un aller retour.
Enfin, une fois réceptionnées, les palettes conditionnées sont rangées sur des rack à palettes dans nos locaux. Les big bag sont stockés dans l’atelier pour être conditionnés au cours des semaines suivant le chantier. La livraison des palettes de lames à la ville étant prévue pour mi décembre
Bilan
Durant le chantier plusieurs types de matériaux ont été déposés et collectés. Une fois acheminé jusqu'à notre plateforme nous avons pu évaluer les quantités et peser la matière.
Le bilan quantitatif de l’opération révèle que nous avons récupéré :
800 m2 de chêne soit plus de 12,5 tonnes
240 m2 de tasseaux en sapin soit plus de 2 tonnes
800 m2 d’isolant laine de coton recyclé soit 0.5 tonnes
1600 m2 de polyane (doute sur son caractère réemployable, dû à l’usure)
Soit un total de 15 590 kg et un peu plus de 29 m3 de matériaux.
Pour aller plus loin
Nous avons ensuite réalisé une Analyse de Cycle de Vie de ces matériaux afin de calculer le bénéfice environnemental de l’opération.
C’est l’équivalent carbone en kg.eqCO2 qui permet de regrouper sous la forme d’un indicateur l’impact des différents gaz à effet de serre (GES) sur l’environnement. Les effets d’un GES varient selon la quantité émise, son pouvoir de réchauffement global (PRG) et sa durée de présence dans l’atmosphère.
Le secteur du bâtiment étant responsable de ⅓ des émissions de gaz à effet de serre et un important producteur de déchets, il devient essentiel de pouvoir quantifier les émissions carbone des nouvelles constructions ainsi que ce qui peut être économisé en intégrant du réemploi à la démarche.
Une fiche annexe “bilan environnemental et indicateur équivalent carbone” détaille la démarche de calcul suivie, les hypothèses et le rôle de cet indicateur.
Un total de 23,84 tonnes d’équivalent CO2 aura été évité dans l’opération.
Tableau 2 : Bilan carbone des matériaux récupérés sur le chantier de Coubertin
Pour aller plus loin dans le calcul et mettre ces résultats en perspective, nous avons souhaité calculer également nos émissions lors du chantier. Nous avons pris en compte la consommation électrique des ponceuses, en estimant le temps d’utilisation de celles-ci ainsi que le transport des matériaux jusqu’à notre plateforme de stockage.
Tableau 3 : Estimation des émissions dues au chantier de Coubertin
Conclusion
Cette opération de dépose préservante du parquet en chêne du Palais des sports Pierre de Coubertin s’est révélée être un chantier d’envergure. Une quantité importante de matière a été récupérée et ce chantier a mobilisé toute l’équipe de MRBC soit 8 personnes, auxquels se sont ajoutés ponctuellement des bénévoles de l’association. Ce sont donc au total 14 personnes qui ont œuvré à la dépose avec en moyenne 5 personnes sur place par jour pendant deux semaines.
La mission effectuée ne s’est pas seulement cantonnée à l’opération de dépose (504h), elle a demandé également un fin travail en amont pour préparer le chantier (30h) et un long travail de conditionnement sur palette des lames de plancher dans nos atelier pendant les deux mois suivants (400h).
Après conditionnement et tri des lames, la quantité finale de lame de plancher en chêne réemployable et prête à l’usage qui sera livrée à la métropole de Montpellier s’élève à 10 tonnes pour un volume de 14 m3 et une surface de 640 m2.
L’objectif fixé a donc été atteint lors de cette opération, en partie grâce au soin apporté par l’équipe lors de la dépose mais également du fait de la méthode de pose du parquet qui a facilité le démontage préservant (lames non collées entre elles).